Pour ce projet, il va nous falloir trouver une définition du jeu cohérente et pérenne (si possible). Voici quelques définitions concernant le jeu trouvées dans des dictionnaires ainsi que les propositions de Roger Caillois , Gilles Brougère et bien sûr Johan Huizinga.
• Définition par le dictionnaire Le Robert : Activité physique ou mentale dont le but essentiel est le plaisir qu’elle procure.
• Définition par le dictionnaire Larousse :
Activité d’ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir.
• Définition par Wikipédia :
On peut définir le jeu comme une activité d’ordre psychique ou bien physique pensée pour divertir et improductive à court terme. Le jeu entraîne des dépenses d’énergie et de moyens matériels, sans créer aucune richesse nouvelle. La plupart des individus qui s’y engagent n’en retirent que du plaisir, bien que certains puissent en obtenir des avantages matériels. De ce fait, Johan Huizinga remarque que de très nombreuses activités humaines peuvent s’assimiler à des jeux. La difficulté de circonscrire la définition du jeu présente un intérêt pour la philosophie.
• Pour l’historien néerlandais, Johan Huizinga, le jeu « est une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie, et d’une conscience d’être autrement que dans la “vie courante” ».
Il se déroule selon des règles données qui paramètrent la difficulté du jeu, mais aussi selon les modes de sociabilité qu’il engendre (formes spécifiques de coopération et/ou de compétition).
• Roger Caillois dans son essai Les jeux et les hommes publié en 1958 et développé en 1967, reprend la définition du jeu de Huizinga. Selon lui, le jeu est une activité :
- libre : si le joueur est obligé de jouer, le jeu perd son attrait
- séparée des autres activités humaines : étroitement circonscrite dans des limites de temps et de lieu
- incertaine : son déroulement n’est pas déterminé ; son résultat n’est pas prévu (par exemple, les “casse-tête” ne sont plus intéressants quand on les connaît).
- improductive : dès que l’élément de production intervient, l’activité se transforme en activité de travail
- réglée : il n’y a pas de jeu sans règles, ne serait-ce que celles qu’on se donne à soi-même il existe des lois propres au jeu, indépendantes de la législation ordinaire
- fictive : réalité seconde qui n’est pas la réalité de tous les jours ou qui peut être une farouche irréalité par rapport à la vie courante.
- gratuite : sans attente de résultat
Il propose aussi une classification des jeux :
- les jeux d’agôn basés sur la compétition,
- les jeux d’aléa fondés sur le hasard,
- les jeux d’ilinx basés sur le vertige
- les jeux de mimicry fondés sur le simulacre.
• Gilles Brougère propose cinq critères :
- le second degré : faire semblant dans la situation, engagée par les joueurs,
- la présence d’une décision dans le cadre du jeu,
- la règle : soit préalable, soit construite au fur et à mesure du jeu,
- la frivolité ou l’absence de conséquence de l’activité
- l’incertitude où l’on ne sait pas où le jeu va nous mener
Pour ajouter sur les définitions de jeux, perso j’aime bien celle de Suits Bernard, parce que j’adore l’idée de moyens non efficaces (le meilleur exemple de moyen peu efficace est le club de golf évidemment ! ) :
“To play a game is to engage in activity directed towards bringing about a specific state of affairs, using only means permitted by rules, where the rules prohibit more efficient in favor of less efficient means, and where such rules are accepted just because they make possible such activity.”
Suits, Bernard: The Grasshopper. University of Toronto Press, Toronto, 1978., p. 34.
Sinon Jesper Juul propose, en analysant plusieurs définition classique du jeu, de mieux formaliser la relation joueur-jeu sur 3 aspects :
The proposal here is to be more explicit about the player’s relation to the game by splitting the concept of goals into three distinct components, namely: 1) Valorization of the possible outcomes: That some outcomes are described as positive, some as negative. 2) Player effort: That as a player you have to do something. 3) Attachment of the player to an aspect of the outcome. As a player you agree to be happy if you win the game, unhappy if you loose the game. This is part of what we may term the game contract and curiously happens even in a game of pure chance.
: https://www.jesperjuul.net/text/gameplayerworld/).
Pour que le jeu puisse durer mille ans, cette idée de victoire / échec est moins simple, ainsi que l’attachement du joueur à ce résultat. Soit il y a des étapes intermédiaires (qui ne doivent pas être des rounds ou parties), soit cette notion est moins importante par personne qui joue et ne se traduit que dans le collaboratif moyen, long-terme ? Je trouve que ça prend aussi le contre-pied d’une vision très ludologue du jeu dans laquelle l’échec et la victoire prennent parfois toute la place, et ça s’oppose bien à la société de consommation parce que c’est incompatible. Je me questionne aussi beaucoup sur la question de la sauvegarde des états de jeu, il faut à la fois pouvoir modifier les états de jeu pour jouer, mais il faut aussi qu’ils soient solidement inscrits pour survivre au temps. Ou alors les états de jeu permettent de construire un autre jeu, est-ce que le jeu pourrait devenir autre, y.c. matériellement ? En écrivant ceci, je viens de penser aux mandalas tibétains dont le côté éphémère est assez opposé à ce qu’on réfléchit.